Exposition Bentu à la Fondation Louis Vuitton
Photos Nicola Bientinesi
Déjà lorsqu’on arrive à la Fondation, on est pris par la
magie du lieu : par beau temps le soleil se reflète sur les parois de
verre, et la vue sur la Défense au deuxième étage est à couper le souffle. Les galeries
sont larges et hautes de plafond. Je me suis demandé si une exposition d’art
contemporain chinois dans un lieu aussi luxueux aurait été possible il y a dix
ans. Il y a bien eu l’exposition China Gold
en 2008 au musée Maillol, mais pour moi c’est bien la renommée croissante de
cet art qui a permis cette exposition aujourd’hui dans un tel lieu.
Concernant les œuvres, ce qui m’a d’abord surprise dans les
premières salles est la présence d’œuvres d’artistes Shanghaiens. En effet je
pensais que la capitale de l’art contemporain chinois était Pékin, avec ses
nombreux quartiers d’art comme 798 Dashanzi. J’avais aussi été un peu déçue par
les œuvres exposées à Moganshan Lu à Shanghai, et en avais conclu que les plus
grands artistes se trouvaient bel et bien à Pékin. Pourtant, dans cette
exposition, les œuvres d’artistes Shanghaiens sont tout aussi étonnantes et de
qualité que ce que l’on peut voir à Pékin.
Par exemple les tableaux de Yan Pei Ming sont absolument
magnifiques, et on peut y voir un mélange d’Orient et d’Occident, comme si un
paysage occidental avait été peint à la façon chinoise, avec beaucoup de
mouvement, et sans le côté statique de l’art occidental.
De même, les œuvres de Xu Zhen sont très étonnantes, comme
cette statue composée d’un Bouddha et d’une réplique de la victoire de
Samothrace, qui là aussi mêle Orient et occident. On peut y voir par ailleurs
une certaine dénonciation du consumérisme dans l’art. La statue de la déesse
Guanyin multicolore, toujours de l’artiste Xu Zhen, a elle été d’abord générée
par ordinateur, ce qui lui donne ce dégradé de couleurs fluo très moderne. On
peut noter en effet dans l’exposition l’usage récurrent des nouvelles
technologies dans l’art, comme le montrent aussi les nombreuses installations vidéo
présentes à la Fondation.
Toujours dans les premières salles, le cerf coupé en deux,
et dont l’intérieur est tapissé d’or, de Huang Yong Ping, reprend la légende
occidentale de Saint Gilles qui aurait reçu une flèche dans la main en voulant
protéger une biche des flèches du roi Flavius.
On peut dire en tout cas que les thèmes les plus récurrents
dans les premières salles sont le choc Orient-Occident ainsi que la religion et
son rapport à la Chine moderne. J’avais déjà vu des œuvres reprenant des thèmes
religieux dans les galeries chinoises de la Fiac, mais on s’aperçoit ici que
ces thèmes sont aujourd’hui très populaires, surtout en Chine du Sud.
On remarque que les œuvres suivantes, d’artistes originaires
de Pékin ou du Nord, sont plus politiques. Comme par exemple le montage vidéo
de Liu Chuang qui aborde le problème du pollen des fleurs de peupliers qui,
plantés à grande échelle sous l’ère Mao, envahissent Pékin à chaque printemps.
Le montage explique que les particules de pollen s’immiscent dans les poumons
et sont à l’origine de nombreux problèmes de santé.
La Fondation a également réussi à réunir ici des œuvres
d’artistes majeurs comme RMB City de Cao Fei, une des rares artistes femmes
représentées, qui est une animation représentant une île dotée de nombreux
symboles Chinois comme la tour CCTV de Pékin, la Cité interdite (avec un
portrait de panda à la place de celui de Mao), une usine, un caddie…
Il y a aussi plusieurs tableaux de Liu Xiaodong présentant
des personnages aux expressions singulières dans des situations où la tension
est palpable, des œuvres majeures de Zhang Xiaogang avec toujours ces détails
dans ses toiles qui changent tout, telles les petites taches rouges peintes sur
les visages qui ajoutent à la beauté de l’œuvre, et des tableaux immenses de
Zhang Huan faits en cendres représentant la place Tiananmen ou un chantier mis
en place lors du Grand Bond en avant.
Autant Cao Fei, Zhang Xiaogang que Zhang Huan étaient
présents à China Gold en 2008, et étaient déjà des artistes incontournables à
l’époque. Rassembler leurs œuvres ici aujourd’hui est un véritable tour de
force.
On note aussi la présence d’une installation vidéo d’Isaac
Julien, avec sept ou huit écrans placés sur les murs de la salle plongée dans
le noir, qui est un hommage à la Chine très esthétique. L’installation met en
scène de grands acteurs Chinois, tels que Zhao Tao, héroïne du film «Au-delà
des montagnes », sorti en France il y a peu, qui joue encore une fois
incroyablement bien.
Pour résumer, cette exposition est vraiment fabuleuse,
autant pour la présence des plus grands artistes, que pour la sélection
d’œuvres originales et étonnantes. Le visiteur peut admirer des tableaux qui
n’arrivent que très rarement dans les musées parisiens, et peut également
découvrir de nouveaux artistes résolument modernes. Il ne faut pas rater cette
occasion, allez-y vous ne serez pas déçus !
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